Été 1975. J’atterris à Téhéran. J’avais tout juste 20 ans et n’étais pas franchement préparée à me balader seule là-bas. Mais un concours de circonstances m’y contraignit et ce voyage fut juste merveilleux. Voilà pourquoi je voue un amour inconditionnel à ce peuple fier et accueillant. Malheureusement, l’actu nous envoie des images réductrices de barbus patibulaires, de femmes empaquetées de noir et autres joyeusetés qui serrent le coeur.

Devenue capitale en 1786, Téhéran compte environ 9 millions d’habitants et l’agglomération plus de 15 millions (https://fr.wikipedia.org/wiki/T%C3%A9h%C3%A9ran)

La ville n’est pas très glamour mais le cinéma nous en apprend plus que l’office national de tourisme et la télé nationale réunis. Certains se souviennent peut-être du film Tehroun (2010). Le réalisateur Nader Homayoun y raconte l’histoire d’Ibrahim qui a quitté sa province et sa famille pour tenter sa chance à Téhéran. Mais dans cette jungle urbaine où tout se vend, tout s’achète, le rêve peut rapidement virer au cauchemar. Mêlé à un trafic de nouveau-nés, Ibrahim plonge dans les bas-fonds de la ville, là où cohabitent prostituées, mendiants et mafieux en tout genre.

 Vous avez sans doute entendu parler de l’histoire incroyable de L’échiquier du vent, film tourné en 1976, interdit en 1979 et disparu par la suite. La fille du réalisateur Mohammad Reza Aslani a retrouvé la bobine en 2015 chez un brocanteur et il est de retour sur nos écrans. S’il passe près de chez vous, courez-y !

https://www.telerama.fr/cinema/lechiquier-du-vent-ovni-du-cinema-iranien-a-decouvrir-absolument-6949784.php

 Je voulais surtout vous parler de La loi de Téhéran, « une locomotive lancée à vive allure, une machine folle carburant à sa propre énergie et propulsée à toute vitesse, durant plus de deux heures, sans permettre au spectateur de baisser la garde et de relâcher son attention », selon Le Monde. Le deuxième long-métrage de Saeed Roustayi est à l’image de son personnage principal: implacable, obstiné, rageur, mais aussi traversé par le doute et attentif à la violence de ce qu’il décrit.

Le titre original 6,5 en persan, renvoie au nombre d’Iraniens accros au crack. Et quand on sait qu’en détenir quelques grammes ou des kilos c’est la même peine, la mort, cette addiction en dit long sur le désespoir de la société. Le film raconte l’obsession d’un policier, Samad Majidi (impeccable Payman Maadi), à la tête d’une unité de la brigade des stups de Téhéran, pour retrouver un gros bonnet mystérieux, un certain Nasser Khakzad. Dès la première scène – une course-poursuite à l’issue glaçante –  on est happé par ce thriller exceptionnel. Puis on reste tétanisé par « une succession de scènes tendues, montrant l’irascible et logorrhéique policier exercer une violence psychologique intense afin d’obtenir des résultats ». Pour cela, il n’hésite pas à malmener toutes sortes d’individus constituant, chacun, un des maillons de la filière, du consommateur au caïd en passant par les mules (waouh, les obèses !) et les revendeurs pathétiques.

Une des principales vertus du film de Saeed Roustayi réside dans la manière dont il dévoile un monde inconnu, insoupçonné, inédit au cinéma, « celui d’une société iranienne à la fois rongée par la corruption (le fait est évoqué à plusieurs reprises) et ravagée par l’usage de drogues dures. En traversant toutes les strates de la société, du lumpenproletariat consommateur aux citoyens richissimes en passant par les classes moyennes, Roustayi décrit un monde façonné par d’infranchissables et vertigineuses inégalités de classe. Mais l’observation sociale se confond très vite avec la peinture d’un univers dantesque, un théâtre de la désolation et du chaos pur, notamment lorsque la caméra détaille d’immenses tuyaux de chantiers, au creux desquels se défonce toute une humanité hâve, décavée, hagarde, sans avenir » résume brillamment Jean-François Rauger.

Scénario, dialogue, jeu, images, l’habilité du jeune réalisateur éblouit dans chaque scène. Saluons donc Saeed Roustayi qui à 31 ans, signe là son deuxième long métrage et également les acteurs Payman Maadi (Une séparation) et Navid Mohammadzadeh (Cas de conscience). Même William Friedkin (réalisateur de French Connection et de To Live and Die in L. A.) l’assure : « C’est l’un des meilleurs thrillers que j’aie jamais vu ». C’est dire ! 

Alors ne loupez pas ce film qui a reçu le grand prix et prix de la critique au Festival du film policier de Reims.

MCB

Pour en savoir plus :

https://www.franceinter.fr/cinema/la-loi-de-teheran-de-saeed-roustayi-le-film-de-l-ete-sinon-de-l-annee-d-apres-le-masque-la-plume

https://www.youtube.com/watch?v=9X63JZz77Us

https://www.telerama.fr/cinema/la-loi-de-teheran-les-cinq-raisons-dun-succes-surprise-6958143.

Catégories : CinémaCulture

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