Regarder les œuvres de Mathurin Méheut, c’est se promener en beauté dans la Bretagne et le monde du XXe s. L’histoire de ce peintre majeur a commencé à Lamballe où il naquit en 1888. Pour en savoir plus, je vous invite à lire https://fr.wikipedia.org/wiki/Mathurin_M%C3%A9heut

Vous pouvez aussi lire cet extrait de mon livre Côtes d’Armor d’antan où, comme toujours dans cette collection (HC éditions), je m’amuse à imaginer des personnages, afin de raconter le patrimoine des villes de façon plus vivante.

« Ce matin, Mathurin est un peu triste. Il vient d’apprendre que son apprenti peintre est sélectionné pour intégrer l’école des beaux-arts de Rennes à la prochaine rentrée. En même temps, ce n’est pas étonnant, ce Mathurin Méheut a un talent fou et ç’aurait été le gâcher que de rester peintre en bâtiment ! Mathurin Guernion regarde avec une certaine mélancolie les dessins du jeune homme et part se promener dans les rues de Lamballe. Il aime tant sa ville avec ce mélange harmonieux de patrimoine médiéval et de constructions récentes, notamment de moulins. La force du Gouessan a permis l’installation de tanneries et de mégisseries et plus récemment d’une grande minoterie. Mathurin a eu un pincement au coeur quand le meunier du moulin à vent Saint-Lazare a annoncé la cessation de son activité.

L’artisan poursuit sa déambulation dans les ruelles bordées de maisons à colombage. Et de saluer Marcel rue Calmette, Césarine rue du Four et Madeleine rue Gustave Téry. Le fait d’avoir repeint leurs intérieurs a créé une forme d’intimité avec ses clients, nobles, bourgeois ou religieux. Il sourit en passant devant la « maison du bourreau » place du Martray. Ah ah, il a été malin le photographe qui a intitulé ainsi la maison de monsieur Bourceau ! Avec la proximité du pilori, l’astuce est plausible et … c’est plus vendeur. En tous cas, ce serait bien d’y faire un musée un jour, se dit Mathurin. Dédié à qui ? A la princesse de Lamballe, par exemple ? Paix à la pauvre Marie-Thérèse Louise de Carignan même si elle n’a jamais mis les pieds dans « sa » ville. Elle en a reçu une délégation de notables à Rennes lors d’une réunion des états de Bretagne présidée par son beau-père. La Révolution a aussi supprimé le dépôt d’étalons créé en 1783 mais Napoléon 1er a rétabli l’institution. C’est en 1825 que l’État lança la construction d’un haras national chez nous. Il n’a trouvé sa forme définitive qu’à partir de 1842 et de nombreux travaux d’agrandissements dont onze nouvelles écuries permettent en cette fin de XIXe siècle d’héberger près de 400 étalons.

L’arrivée du train en 1863 a dynamisé la ville et Mathurin aime croiser ces touristes qui s’émerveillent des maisons, des ponts, des calvaires. Et surtout de notre patrimoine religieux ! Mathurin a eu l’occasion de travailler dans l’église Saint-Martin lors de sa rénovation et il est probable qu’on fera appel à lui lors de la construction du nouveau dôme de l’église Saint-Jean. Son édifice préféré est incontestablement la collégiale Notre-Dame, tellement spectaculaire avec son pignon fortifié et son mur d’enceinte! A l’origine, c’était la chapelle du château des Penthièvre, totalement rasé sur ordre de Richelieu en 1626. Mathurin contemple le magnifique portail roman, les piliers gothiques mais s’attarde davantage sur les bois polychromes du jubé du XVe siècle. Incroyable, la fraîcheur de ces couleurs ! »

Pour en revenir à l’autre Mathurin, il y a 5 choses à retenir sur lui selon le Magazine des enchères :

1. Il est resté toute sa vie attaché à sa Bretagne natale

Formé dès l’âge de 14 ans auprès d’un artisan-peintre de Lamballe, sa ville natale, puis aux Beaux-Arts de Rennes en 1898, Mathurin Méheut (1882-1958) rejoint Paris à l’aube de ses 20 ans, où il s’inscrit à l’École nationale des arts décoratifs. Il emménagea dans le quartier de Montparnasse en 1924 mais resta attaché à sa Bretagne natale qu’il ne cessa de dépeindre à la faveur de voyages fréquents. Certains seront déterminants : Roscoff entre 1910 et 1912 à, puis Penmarc’h entre 1919 et 1920.

L’occasion pour lui de produire un ensemble de peintures, dessins, croquis et gravures qui furent présentés en 1913 et 1921 lors de deux grandes expositions à succès, organisées par le musée des Arts décoratifs. Affirmant son attachement pour une Bretagne « de culture française », l’artiste signa en 1913 l’« Appel » publié dans le périodique La Pensée bretonne, dans lequel il prenait position contre les mouvements séparatistes. En 1919, à l’occasion d’un déménagement provisoire à Saint-Guénolé en pays Bigouden, il entreprit de se former à la céramique au sein de la faïencerie Henriot-Quimper.

2. Il peignait avec un regard d’ethnographe

En Bretagne, Mathurin Méheut illustre le quotidien des classes populaires rurales et côtières, usant d’un tracé libre et de larges aplats de couleurs vives. Il peint des paysannes aux tenues chamarrées, l’effervescence des ports, la liesse des célébrations religieuses. La bourse « Autour du monde » qu’il reçut de la fondation Albert-Kahn en 1913 lui permit de découvrir le Japon et Hawaï. La décmarartion de guerre interrompit ce voyage. Mobilisé entre 1914 et 1918, il réalisa des croquis de soldats des tranchées à l’instar de son confrère Camille Godet https://fr.wikipedia.org/wiki/Camille_Godet

Avec un regard d’ethnographe, il dépeignait la réalité sans fard. « Je ne suis pas un maître, ni même un peintre, je fais du document », déclarait-il. Il croquait sur le vif des pratiques artisanales en déclin face à l’industrialisation, saisissant les gestes ancestraux des sabotiers, des sardiniers ou des goémoniers. Son intérêt pour le patrimoine artisanal breton se manifesta notamment dans son travail d’illustrations pour l’ouvrage Vieux métiers bretons de Florian le Roy, publié en 1944. 

3. Il dut ses premiers succès à l’illustration de la faune et de la flore maritimes

Mathurin Méheut assista dès son arrivée à Paris, aux prémices de l’Art nouveau au contact d’Eugène Grasset (1845-1917) https://fr.wikipedia.org/wiki/Eug%C3%A8ne_Grasset, affichiste et graveur suisse qui l’encouragea à puiser son inspiration dans la nature. En 1910, Méheut partit pour la station de biologie marine de Roscoff (Finistère), pour fournir les illustrations de l’Étude de la mer : flore et faune de la Manche et de l’Océan, ouvrage publié sous la direction de Maurice Pillard Verneuil (1869-1942) artiste Art nouveau et critique d’art. Durant deux ans, il livra une série de peintures et croquis de poissons, crustacés et algues, dont un florilège fut exposé en 1913 au musée des Arts décoratifs de Paris. Sa passion pour le monde marin s’exprime aussi dans un ensemble de gouaches et aquarelles pour illustrer un texte de Colette rendant hommage à la faune marine : Regarde – ouvrage diffusé en 1929 à 750 exemplaires. En 1941, il reçut de l’Institut de géologie de Rennes la commande d’un décor célébrant la Science et la Terre de Bretagne. De 1942 à 1946, il réalisa, aux côtés d’Yvonne Jean-Haffen (1895-1993), vingt panneaux représentant la faune et la flore maritimes supposées de la Bretagne préhistorique – des scientifiques d’aujourd’hui y trouvent des erreurs, mais nous on s’en fiche, on regarde. Et on admire ces œuvres installées maintenant sur le site universitaire de Beaulieu.

4. Il a reçu des commandes de décors d’envergure

Artiste aux multiples talents, Mathurin Méheut se frotta également au monumental, à travers des commandes de décors d’envergure. En 1930, il fut convié à Pittsburgh, en Pennsylvanie, afin de décorer le Hall des Nations de l’Auditorium and Service Building. Il réalisa un décor de 400 m2, toujours avec l’aide d’Yvonne Jean-Haffen https://www.locus-solus.fr/product-page/yvonne-jean-haffen  Nommé peintre officiel de la Marine en 1921, il travailla également, entre 1923 et 1950, pour les deux grandes compagnies françaises : les Messageries maritimes et la Compagnie générale transatlantique. Il peignit notamment des scènes de chasse et paysages d’hiver pour le mythique paquebot Normandie. Hélas, la plupart de ses œuvres ont été perdues. Seules des photos, croquis et études demeurent. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il livra un carton de tapisserie, La Mer, pour la Manufacture nationale des Gobelins. 

5. Sa cote aux enchères ne cesse de progresser depuis trente ans

Redécouvert dans les années 1970, Mathurin Méheut compte parmi les artistes de la Bretagne les plus plébiscités sur le marché. A l’instar de Lucien Simon ou Alfred Guillou, il jouit aujourd’hui d’une notoriété à l’international, de la part d’enchérisseurs fascinés par l’identité singulière de cette région parvenue au fil des siècles, à engendrer des chefs-d’œuvre conjuguant modernité et authenticité. Sa cote, déjà élevée dans les années 90, ne cesse de progresser, avec une appétence soutenue pour ses scènes de la vie bretonne, ainsi qu’en témoigne le record établi en 2017 par les Ramasseurs de sel à Guérande, une peinture adjugée 52 000 euros à Paris. 

Vous l’aurez compris, si vous n’avez pas un compte en banque bien garni, il vous sera difficile d’acquérir une pièce de Mathurin Méheut.  Mais j’en ai repéré dans deux galeries bretonnes : Cristel à Saint-Malo et Théallet à Quimper.

https://www.centre-cristel-editeur-art.com/categorie-produit/par-artiste/mathurin-meheut/

https://www.theallet.fr/

Chez moi, je me contente de collectionner ses affiches (notamment celles d’expos du musée Mathurin Méheut de Lamballe https://www.musee-meheut.fr/ ) et ses bouquins. Et là, bonheur, le père Noël est passé en avance avec ce livre, très largement axé sur les arts de la table par Mathurin Méheut. Spécialiste passionné de l’artiste, Gilles Baratte et la designer culinaire, Virginie Brégeon, ont eu la belle idée de convier Julien Hennote, chef étoilé du Castelbrac à Dinard, à tisser ce lien entre les œuvres du peintre et une cuisine qui raconte la biodiversité marine comestible, une cuisine de la pêche durable. Pour chaque saison, les nombreuses recettes originales du livre, dressées d’après les œuvres inspirantes de Mathurin Méheut et servies dans des plats principalement décorés par ce dernier, éveillent les papilles et le regard dans l’écrin dinardais qui a accueilli la dernière exposition du grand artiste https://www.castelbrac.com/

Aux pages dédiées à l’hiver, j’ai déniché une épatante recette de madeleines de corail de saint-jacques et une soupe de godaille qui sera parfaite pour les repas de lendemain de fête. D’ici là, me reste à dénicher des assiettes dessinées par Méheut pour le restaurant Prunier (fabriquées par Villeroy & Boch – ça sera moins cher !). En page 194, j’ai découvert l’extraordinaire vitrail dessiné par MM pour un autre restaurant, l’Huitrière à Lille. Las, j’ai appris que cette merveille Art déco (heureusement classée M.H.) a fermé ses portes… pour les rouvrir en boutique Vuitton. P…, faich… ! 

En savoir plus :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mathurin_M%C3%A9heut

https://virginiebregeon.com/bio/

Merci à Marc Loyon pour sa photo de l’Institut de géologie de Rennes !

 

 


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