Aujourd’hui, c’est Christine Airiau-Leclair qui nous écrit du pays du vignoble nantais. Née à Nantes, Christine a le cœur en Bretagne (normal !). Elle est d’ailleurs membre des écrivains bretons. Passionnée de littérature, elle s’est mise à l’écriture en 2011. Depuis elle ne lâche plus le crayon, si ce n’est pour rejoindre sa cuisine où elle mitonne de bons petits plats « avec amour ». A retrouver sur sa page Facebook « J’irai cuisiner avec vous ». Vous pouvez aussi la (ré)écouter dans l’émission Carré VIP- Vieilles pies
https://www.carrevip-vieillespies.com/carre-vip-lemission/
LA FABRIQUE à SOUVENIRS
« J’ai beau me pincer, non je ne rêve pas ! C’est un curieux scénario qui se joue en ce moment.
J’ai comme l’impression de faire un flash-back « Et la caméra zoome arrière »
Me voilà transportée vingt ans plus tôt. J’avais 32 ans, je venais d’être maman pour la seconde fois, et puis… le temps s’est arrêté. Brutalement.
Neuf jours après la naissance de mon second fils, je suis victime d’un AVC. Dur ! »
Arrêtez ! Elle va nous donner le cafard avec son histoire. Mais non détrompez-vous ! Christine a plus d’une corde à son arc et fait preuve d’imagination lors de son confinement forcé à l’hôpital. Elle se souvient : « je m’inventais des conversations avec mes amis irlandais afin de m’entrainer à parler anglais. J’avais perdu la parole mais pas la pensée. Armée de tous ces subterfuges je vais m’échapper de ces moments pesants et aborder les prochaines années de ma vie avec optimisme, légèreté et cueillir le plaisir là où il se trouve, savourer à contre sens cette vie qui va trop vite à mon goût par des excès de lenteur, ce qui n’exclut pas pour autant de la croquer à pleine dent ! »
« Et nous voilà transposé-e-s en mars 2020 dans une situation similaire, ubuesque par son ampleur et angoissante. L’annonce tombe comme un couperet, nous étions tous « la tête dans le guidon », moi la première et puis la touche « Pause » est activée. Il me faut quelques jours pour reprendre mes esprits, prendre mes repères. Frénétiquement je commence du rangement, histoire de bouger. Surtout rester dans l’action, ne pas sombrer dans la mélancolie. Ce ne devrait pas être difficile, juste un soupçon de volonté. Et puis sans passer pour une donneuse de leçon, c’est le moment d’appliquer certains de mes commandements pour être heureux ou tout du moins alléger le quotidien devenu incertain :
– Expérimenter – C’est le moment d’essayer des recettes jamais explorées -, tant pis si c’est raté, on aura essayé.
– Cesser de croire qu’on peut tout contrôler. Nous sommes au pied du mur ! Prendre un peu de recul, réfléchir à ce que l’on fera après.
– Arrêter de juger l’autre, on ne connait pas tout de sa vie. Abordons la vie avec un regard neuf, plein d’humilité.
– Ne pas laisser la colère nous consumer. Pour l’instant place aux gestes qui font du bien.
– Place à la bienveillance, sourions.
– Si au lieu de gagner beaucoup d’argent, nous tachions de vivre avec peu d’argent (ce n’est pas moi qui le dit, c’est Jules Renard)
Et puis, j’ai un secret : je sors de ma fabrique à souvenirs, des images, des instants, qui m’ont fait vibrer, des voyages émotionnels qui me transportent
bien loin de ce présent morose. Je me remémore cette pose balnéaire dans la troisième péninsule de la côte Ouest de l’Irlande, la rencontre de John et Bridie l’été 89, à Glengariff . Et puis cette pose contemplative dans un port chilien, avec les trois hommes de ma vie, savourant la bise douce et fraîche qui caressait ma joue. Enfin ces moments culinaires pendant lesquels ma maman m’initiait à la cuisine familiale, avec l’art de la transmission Ces petits riens qui font de grands moments, des atomes de vie qu’on attrape en rêvant. Ces souvenirs qui opèrent comme des pare-feu, qui deviennent des remparts face à l’adversité ou la peur. Sans oublier la musique qui m’accompagne chaque jour.
Nous sommes tous devenus vulnérables. Il n’y en pas un qui est plus fort que l’autre. Nous ne sommes pas intouchables. ça n’arrive qu’aux autres et pas à moi. Peut-être qu’en ayant perdu un être cher victime du Corona virus, certains comprendront la notion de perte ;
Ce temps de pause imposé, certains en tireront parti pour se recentrer sur soi-même, ou profiter de leur famille, ressouder les liens trop longtemps négligés par trop d’individualisme. Cette pandémie va nous inciter à revoir nos habitudes, revenir à nos fondamentaux car nous avions oublié comment nos anciens vivaient, tellement ce monde va vite ! La créativité de chacun fera émerger quelque chose de constructif, j’en fais le vœu !
La prise en charge des soignants est comme une évidence fraternelle et pour laquelle nous avons une admiration et profonde gratitude. Cette période met en exergue « les petites mains » invisibles qui nous aident à vivre. J’espère que cette reconnaissance actuelle ne sera pas éphémère.
Cette épreuve va nous amener à reconsidérer nos modes de vies. Certains sont prêts, j’ose espérer que les autres s’associeront à cette réflexion. Nous sommes dans l’urgence de vivre ou survivre ensemble.
Ces jours-ci, j’ai fait des semis de fleurs, de légumes. Peut-être pour le « Pouvoir des fleurs ». Est-ce un comportement compulsif de mon subconscient ? Non rassurez-vous, je ne suis pas en train de « péter un câble »
Ce serait plus simplement comme un pari sur le futur : Je me régale de voir le travail de Dame Nature, contempler l’évolution de ces graines qui sont la promesse de jolies campanules ou croquantes courgettes.
Notre jardin, c’est une chance. Aujourd’hui je me régale du spectacle de mes pivoines qui vont bientôt s’offrir la liberté de quitter leur confinement et arborer fièrement leur épanouissement printanier.
Prenons soin de notre maison commune comme d’un refuge. Elle nous envoie un signe. Respectons la ! Pour ce qui est du futur, il ne s’agit pas de le rêver mais de tout mettre en œuvre pour entrer dans les champs du possible …
Un temps nouveau où m’accompagne toujours ma play-list »:
André BOURVIL : La tendresse – dont je vous propose d’écouter cette merveilleuse version « confinée »
https://www.youtube.com/watch?v=rEjvRktXeis
Jean-Louis AUBERT : Aimer ce qui s’enfuit. Puisses-tu. Où vont les moments. Qu’allons-nous leur laisser ?
Francis CABREL : Des hommes pareils
Alain SOUCHON & Laurent VOULZY : Derrière les mots
Thomas DUTRONC : Demain
M : Mama Sam
Shigeru UMEBAYASHI : In the mood for love https://www.youtube.com/watch?v=gw9fKuymA0I
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