Depuis mon voyage en solo en Iran l’année de mes 20 ans, je voue une affection immense pour la culture et le peuple iraniens. Et je ne rate jamais un concert ou une rencontre sur ce pays merveilleux au destin malheureux, si bien évoqué par Marjane Satrapi. https://fr.wikipedia.org/wiki/Marjane_Satrapi
Ces jours-ci, deux propositions ont retenu mon attention : un film et une expo.
Le film: Hit the road
Ce road-trip dans la steppe persane commence par une scène sublime : un minot qui pianote sur les touches dessinées sur le plâtre de la jambe de son père – on aimerait que cette scène se prolonge ! Le champ s’élargit, on voit dans l’habitacle de la voiture tout-terrain empruntée, la mère (très belle) et le fils ainé au volant, peu loquace. L’ambiance sonore est assurée par le rejeton, excité et hyper actif. Le père trône comme un pacha. Et on se pose la question : où file donc ce drôle de quatuor ?
Le scénario repose essentiellement sur le doute de la destination. L’idée de vacances s’estompe vite : on craint d’être suivi, on a enterré le téléphone portable dans le désert en affirmant qu’on le retrouverait plus tard. Au fil des kilomètres, on comprend qu’il n’est pas question d’un voyage mais de l’exil de l’aîné.
On reconnait dans ce premier long-métrage de Panah Panahi, la patte de son père Jafar Panahi, cinéaste qui a choisi de rester en Iran où il tourne en louvoyant avec les autorités (bravo !). Ce n’est pas qu’un road-movie politique, mais un questionnement muet et subtil sur les liens familiaux, les sentiments qu’on éprouve au moment du départ, de l’arrachement. Ce n’est pas non plus un huis-clos, d’autres personnages apparaissent et disparaissent, tel un coureur cycliste roublard, un passeur masqué, puis d’autres compagnons d’infortune au bout de la route.
Comme dit Adrien Gombeaud dans les Echos : « on sent bien que même ce frère insupportable, ce Petit Gibus de la « Guerre des boutons » réincarné en Iran, laissera un grand vide dans le silence d’une nouvelle existence solitaire. Constamment surprenant, bourré d’astuces visuelles et de cadres précis comme ceux d’une bande dessinée, « Hit the Road » slalome sans cesse entre la comédie burlesque et la mélancolie. S’il vient d’Iran, ce film écrit aussi un conte universel : l’histoire ordinaire d’une famille au moment de la séparation, l’inéluctable fin d’une vie sous un même toit et l’orée d’une route vers l’inconnu ».
De Panah Panahi, avec Hassan Madjouni, Pantea Panahiha, Rayan Sarlak.
En savoir plus : https://www.courrierinternational.com/article/en-salle-hit-the-road-de-panah-panahi-un-irresistible-road-movie-iranien
https://www.franceinter.fr/personnes/marjane-satrapi
L’expo: Soleil of Persian square
L’idée est originale puisqu’elle traite d’une communauté iranienne exilée en Californie.
À Los Angeles, à l’intersection de Westwood Boulevard et Ohio Avenue, une oimporrante diaspora iranienne, a trouvé refuge. Sous la lumière écrasante de Californie, Hannah Darabi, artiste visuelle née en 1981 et formée à l’université de Téhéran, traque les signes de cet exil. Entre terre natale et terre promise, la musique tisse un lien indéfectible entre deux villes, deux vies, deux cultures.
La musique pop partage avec la photographie une aura d’un nouveau genre, celle de la reproductibilité technique chère au philosophe Walter Benjamin : elle s’enregistre, se duplique, se partage. Ses rythmes entraînent les corps, ses airs romantiques se consomment dans une société de masse sous le regard méprisant des arts « savants ».
La révolution de 1979, la chute de la monarchie et l’instauration en Iran d’un régime théocratique conforme aux valeurs traditionnelles de l’islam ont vite banni la musique de la maigre liste des loisirs autorisés.
Les musiciens exilés ont continué de vivre dans cette double culture. La collection de cassettes constituée par l’artiste montre une scène musicale entre deux eaux, adoptant les codes du Nouveau Monde sans renier les racines d’une Perse fantasmée. Ces cassettes produites à L.A., « made in USA », comme le spécifient leurs pochettes, voyagaient clandestinement entre les deux pays jusqu’à la banalisation d’Internet et des formats numériques à la fin des années 90. Si la pop est qualifiée par certains de « low art », on retrouve un terme comparable, « low profile landscape », pour définir les motifs des paysages des artistes de la Côte Ouest des années 70, s’intéressant comme Hannah Darabi aux paysages artificialisés par l’homme, aux intersections de rues, aux panneaux publicitaires, aux parkings, aux centres commerciaux…
Ce paysage qu’elle décrit est empreint de mille signes. C’est celui d’une ville horizontale, conçue pour les voitures et dont les rues s’étendent à perte de vue. Ses photographies fourmillent de petits détails d’une urbanisation sauvage, d’inscriptions typographiques, en anglais ou en perse. Des séquences de portraits d’anonymes de la communauté iranienne, des documents, une conversation avec une ethnomusicologue, des images de clips vidéo viennent articuler cette recherche sur l’identité de la diaspora, entre enquête culturelle et recherche visuelle. Dans la complexité des dualités.
Le livre Soleil of persian square aux éditions GwinZegal a bénéficié du soutien à l’édition du Centre national des arts plastiques.
A voir jusqu’au 5 juin 2022 au Centre d’Art Gwin Zegal – ancienne prison de Guingamp. Du mercredi au dimanche, de 14 h à 18 h 30. Entrée libre. Tél. 02 96 44 27 78.
1 commentaire
TUBIANA · 2 mai 2022 à 19 h 12 min
Je n’ai encore vu ce film, mais c’est prévu pour les prochains jours. A suivre.
Cependant si vous aimez l’Iran et le cinéma iranien allez voir ou revoir un film bouleversant: » le diable n’existe pas », film qui a sans doute pâti du confinement.