Et vous, vous faisiez quoi, le 10 mai 1981 ?
Et où étions-nous ? On s’en souvient tous !
Sur ce blog, j’aime rapporter la grande Histoire avec des petites histoires.
(Je dis ça en prévision de ce que va me dire ma fille !)
Et bien, Léonore, voilà l’anecdote de Roselyne Veissid, alors journaliste au Télégramme, prête à franchir (à défaut de soulever) les montagnes :
« Que l’on ait voté pour « Tonton » ou pour son adversaire, ou que l’on n’ait pas voté du tout, la date est restée dans toutes les mémoires…
Pour ma part, sachant que j’allais travailler tout l’été, j’avais anticipé et pris de longues vacances, avec le projet un peu fou de franchir à pied la frontière entre la France et l’Italie, non par la Côte d’Azur et Vintimille, ce qui me semblait trop facile, mais par le col du Mont-Cenis comme les colporteurs d’autrefois… Ma foi, tant pis pour les élections ! ( Je sais, il n’y a pas de quoi être fière )
Mais le printemps était tardif et le col, toujours enneigé et infranchissable !
Le 10 mai au soir, tandis que ma mère participait peut-être discrètement à la liesse générale quelque part dans Paris, et que mon père atterré secouait doucement la tête devant son téléviseur ( je vous rassure, ils ne vivaient plus ensemble !), j’examinais le ciel chargé à travers la vitre cassée d’une auberge de jeunesse glaciale dont j’étais l’unique occupante…
Loin de moi l’idée d’ouvrir un débat d’idées que je vous prie de m’épargner : je revendique ma prédilection honteuse pour le domaine de l’anecdote !
Mais vous, vous faisiez quoi, le 10 mai 1981 ? »
Alors moi, chère Roselyne, j’étais à Rennes. Avec quelques amis, les yeux rivés sur la télévision d’Isabelle, qui habitait rue du Pré-Botté. Quand, à 20h, le visage de « Tonton » a envahi l’écran, nous avons sauté de joie. Allez, champagne ! Euh non, Isabelle n’avait visiblement pas voté pour lui. Alors, avec Alain et Edith – qui devaient de toutes façons retourner à Paris pour le boulot – nous avons foncé vers la capitale. En chemin, on chantait et on écoutait les infos à la radio. A l’approche de l’Île-de-France, le ciel s’obscurcissait beaucoup. Quand on est entrés dans la ville, il tombait des cordes, nous dissuadant d’aller à Bastille.
Le lendemain, je retrouvais mon amoureux qui, au moment du résultat des élections, était dans l’avion entre New-York et Paris. Quelle panique à bord ! Des passagers, convaincus que des chars russes seraient déjà sur le tarmac de l’aéroport, imploraient le pilote d’atterrir à Londres ou à Bruxelles. N’importe où pourvu qu’on échappe aux effrayants gauchistes, le couteau entre les dents !
En Bretagne (toute ? non !), c’était la liesse comme le raconte Ouest-France :
Au fait, il était où, lui, François Mitterrand ? A Château-Chinon, dans la Nièvre.
https://www.youtube.com/watch?v=HxHAl_gAimA
Par la suite, Mitterrand, très attaché à ce département, y a fait tomber une pluie de médailles de la Légion d’honneur. Quarante après, la Nièvre est le département avec la plus forte baisse de population, et un des plus hauts taux de votes pour le FN. Mais ça n’a aucun rapport, Léonore.
3 commentaires
Léonore · 10 mai 2021 à 22 h 19 min
Ahah j’ai beaucoup ri en lisant ton nouvel article aux anecdotes croustillantes !
Et j’en profite quand même pour te répondre : à mon avis, si si, le comportement de Mitterand et des ses confrères.soeurs du PS ont bien aidé le RN à poser ses griffes sur la Nièvre. A quoi servent les Légions d’Honneur à part encenser ses petits copains et à perpétuer le système de compétition et/ou de jalousie ? Mais on en parlera autour d’une coupe de champagne 😉
Biet Marie Christine · 10 mai 2021 à 22 h 26 min
Et oui des petites tranches de vie que la mémoire fixe et nous fait revivre… 40 ans après!
Philippe Violanti · 11 mai 2021 à 11 h 11 min
Pour notre part, j’habitais Nanterre, mais j’avais rejoins Marie à sa résidence universitaire de Nantes dès le vendredi. On a pu du coup assister au dernier meeting de Mitterrand, à Nantes donc, là où aujourd’hui est installé le centre des congrès. Grande ferveur, grande attente, moins d’abord, pour ma part, pour obtenir quelque chose de précis matériellement, même si certains sujets comme la libération des ondes par exemple nous semblaient une évidence qui s’inscrivait dans le sens de l’histoire. Ou que la 5è semaine de congés payés et la retraite à 60 ans seraient les bienvenues pour mon père qui était ouvrier (ma mère était institutrice) et bien des proches. Mais d’abord par cette idée qu’une gauche et les valeurs de justice qu’elle incarnait à nos yeux allaient irriguer le pays comme elles l’avaient fait pour nous, planter des jalons durables et « changer la société ». On était installé à quelques-uns dans une petite salle de la résidence avec une télé et un piano où un étudiant jouait et rejouait savamment la musique bien connue du film L’Arnaque. Quand le visage de Mitterrand est apparu sur l’écran, on est tous parti dans l’instant comme des fous vers le centre ville, où ça courait de partout, dans toutes les rues. Ça riait, ça s’embrassait, les gens improvisaient quelques pas de danses en se croisant puis repartaient dans tous les sens. Un moment rare et beau. Le maire de l’époque, Alain Chenard, est apparu debout sur le rebord de la fenêtre de l’Hôtel de Ville, où la foule était amassée et a clamé sa ferveur. Je ne me souviens pas de concerts spontanés ce jour-là, de comment s’est terminée la soirée. Tard c’est sûr, dans une liesse, une allégresse sans fin. Sur ceux qui était triste au contraire ce jour-là, je n’en ai pas d’images. Et de retour à Nanterre, entre mes études à la fac, la mairie pour laquelle j’étais animateur de quartier, sa population globalement ouvrière, ma famille et l’immense usine Citroen qui jouxtait mon chez moi, le coeur penchait vraiment du côté gauche. Pour l’anecdote, quelques mois après cette élection, un an peut-être ou plus, je ne sais plus, j’étais dans un bar de Paris, et j’ai entendu une personne, visiblement du monde médical et introduite dans des circuits autorisés, qui parlait assez fort au téléphone du bar (à l’époque, il fallait demander la ligne au patron du troquet et aller vers le combiné qui dans ce bar était un peu en retrait près des toilettes). Elle racontait avec force et sous le sceau du secret, à propos de Mitterrand, que si si « il est très malade, j’ai vu les résultat des examens, il n’en a plus pour longtemps ». Dans sa voix, au-delà du scoop qu’elle donnait à son interlocuteur, tout ce qu’il pouvait y avoir d’espoir là pour elle. J’ai diverse fois repensé à ce moment pendant des années, en me disant que la jeune dame avait pris ses désirs pour des réalités. Elle avait raison sur la maladie, mais pas pour la suite.