16 août 2024. Dans la torpeur (relative) de l’été normand, au cours d’une sieste, mon téléphone sonne. C’est ma fille, de toute évidence bouleversée. Devant ma voix embrumée, elle suggère de m’appeler plus tard. « Mais non, ma cocotte, ça n’a pas l’air d’aller. Parle ! ». Elle me demande si je suis entourée car elle va m’apprendre une terrible nouvelle…. « Papa est mort ».
Passé le choc, les jours vont écouler leur lot de tristesse. Marc Malinowsky étant mort seul dans sa maison des Cévennes, la gendarmerie (aussi sympathique qu’empathique) nous indique qu’il a été transféré à l’Institut médico-légal de Nîmes pour enquête. Le corps ne sera pas visible avant neuf jours. Pendant ce temps, Léonore prend les choses en main avec Nicolas, son formidable frère ainé. Ils décident d’organiser une crémation à Nîmes. A celle-ci, on s’attendait à une faible participation, mais beaucoup d’amis, de collègues et de proches ont fait l’aller-retour de Paris. Léonore a même réussi à chanter Good bye daddy, a capella, de sa voix merveilleuse. https://www.youtube.com/watch?v=DoCRPdAoVsE
À la suite, les enfants avaient planifié des retrouvailles dans un bar restaurant incroyable, le Prolé : au coeur de la ville, mais bien planqué, créé au siècle dernier par des prolétaires motivés.
Toujours très militant, ce lieu populaire, rassemble des gens fort différents, bobos, loulous, mémés, qui viennent échanger, réfléchir, boire à prix doux, et manger les bons petits plats concoctés par Rama, dans son food-truck sénégalais. Certains, intrigués, nous ont questionné sur la nature de notre groupe qui arrivait avec plein de fleurs (ben oui, le crematorium n’en voulait pas !) : « un départ en retraite ? ». Nous : « euh non, un départ définitif ». Comme souvent dans ces cas-là, le moment fut chaleureux et convivial. Et les Nîmois furent ravis (et presque intimidés) des fleurs qu’on distribuait (je pense au jeune Kader qui m’a dit : « ça va être la première fois que j’offre des fleurs à ma reum »)
Le départ de Marc Malinowsky a bouleversé tous ceux qui le connaissaient. Nous avons reçu énormément de messages, nourris d’une admiration stupéfiante. Mais qui était cet homme singulier ? Né en 1946 à Paris dans les milieux de la diaspora russo-polono-roumaine ayant fui le communisme … S’il a fréquenté le lycée Janson de Sailly, ce n’était pas entre 2010 et 2011 comme le dit le site Copains d’avant ! Ces années-là, il était déjà devenu « le meilleur ingénieur français, le plus innovant, calculateur affuté et philosophe, capable d’inventer aussi bien une structure de stade qu’un outil d’assemblage de toile de cirque » (selon Romain Ricciotti)
Enseignant de construction à l’École d’Architecture Paris-Malaquais, il fut président du Club de la Structure Textile. Ce qui l’amenait à donner des conférences un peu partout dans le monde… notamment à Rennes. C’est ainsi que j’en organisai une quand je dirigeais la Maison de l’architecture de Bretagne. Ah quelle soirée ! Je m’en souviens d’autant plus que ce fut le début d’une relation plus intime. Je me souviens aussi d’un déjeuner chez un architecte de Rennes, peu de temps après. Au cours de la conversation, la maîtresse de maison demanda innocemment ce que faisait son père. Marc : « ça dépend duquel vous parler ». Silence interrogatif autour de la table. « Oui, j’en eu quatre ». Oula ! Il poursuivit :« un père géniteur, deux pères adoptifs, et un père spirituel ». J’ai pensé à fuir. Je ne l’ai pas fait. Dieu merci. Car à nous deux, nous avons conçu le plus audacieux projet qui soit : notre fille. C’est elle avec son frère Nicolas qui a réparti les cendres de Marc dans le torrent où il aimait se baigner dans les Cévennes. Et ce sont eux qui organisent la cérémonie mémorielle dans la magnifique chapelle des Petits-Augustins à Paris, un lieu à la hauteur d’une personnalité hors normes au parcours que je vous laisse découvrir.
MCB
Beaucoup d’articles rendent hommage à l’ingénieur, co-fondateur d’Arcora, spécialiste des structures complexes, métallo-textiles, verrières et autres… « Le monde de l’architecture a perdu l’un de ses grands esprits avec son décès ». Marc Malinowsky était un véritable pionnier dans ce domaine, mêlant audacieusement différents matériaux tels que le métal, les textiles et le verre.
- Concepteur structure des Zéniths de Paris, Montpellier (au sein d’Arcora), Pau, Toulouse, Nice, Clermont-Ferrand.
- Pont de Saint-Brieuc (1996) en caisson d’acier inoxydable intégral (1ère mondiale).
- Passerelles du Val-Joly, du Belvédère à Lyon, de Charvaux à Andrésy, de Chessy sur la Marne, du Mans, des Bonnets Rouges à Rennes.
- De l’auvent métallo-textile démontable de la Tribune Présidentielle de la Place de la Concorde au 14 juillet (commandé pour une édition et qui ressortira dix fois ou plus)
- Les tribunes de stades de Rennes, Rouen, La Roche sur Yon.
- Des halles multifonctions à Saint-Brieuc, Le Havre, Chalon/Saône, et la double Patinoire de Grenoble.
- Le stade Jean Bouin à Paris
- La médiathèque de Montauban
- le couvent des Jacobins, entre de congrès de Rennes
Comme tous les concepteurs, Marc a travaillé sur des projets qui n’ont pas vu le jour, tel le Palais des Sports de Bourges (gagné mais pas construit) avec Frédéric Blatter.
http://www.blatter-architecte.com/fr/palais-des-sports-p-16.html
Toujours prêt à partager ses connaissances et ses compétences, Marc était aussi très investi dans deux groupes dédiés à la diffusion de la culture architecturale : les Amis du Frac Centre https://www.lesamisdufraccentre.org/ (merci à Philippe Chartreau pour la photo de Marc) et mon asso Trips AAA (pour amateurs d’art et d’architecture – pardon pour le site, pas tout à fait à jour ! http://tripsaaa.free.fr/
J’aime bien aussi l’hommage rendu par le site www.antarius-avocats.com :
Ce grand spécialiste des structures métallo textiles était venu à Angers le 15 octobre 2019, dans le cadre des Rencontres Antarius, pour présenter une conférence sur l’Architecture textile. Le dîner qui s’en est suivi nous a permis de découvrir un homme d’une profonde culture, d’une grande intelligence et d’une vrai esimplicité emprunte d’une éthique sincère.
Deux jours seulement avant son décès il publiait sur son compte Facebook les derniers rayons de soleil au-dessus du Mont Lozère immortalisés de sa terrasse de Rochegude du Gard. Lui aussi restera immortel dans notre mémoire.
Pour terminer, le simple rappel d’un petit texte qu’il avait partagé et qui dit beaucoup de ce grand Monsieur qui manquera, tel un épitaphe : « J’ai tout appris de vous, les Hommes… J’ai appris que tout le monde veut vivre sur la cime de la montagne, sans savoir que le vrai bonheur réside dans la manière dont on gravit la pente. »
Voir aussi https://www.groupealto.fr/
Ses enfants ont hérité de son sens créatif dans d’autres domaines
Nicolas Malinoiwsky
https://www.youtube.com/watch?v=CuByIuO3AVQ
Léonore Malinowsky
https://www.imdb.com/name/nm8157476/
https://www.unifrance.org/annuaires/personne/427344/leonore-malinowsky
1 commentaire
ROBERT Philippe · 4 octobre 2024 à 9 h 43 min
Merci pour cette émouvante évocation de Marc,
avec qui j’ai conçu plusieurs réalisations, et que j’appréciais beaucoup.
Philippe ROBERT