Une bonne correction, c’est tout ce que vous méritez ! Ah ah, vous voyez déjà arriver la fessée d’antan ? Non, rassurez-vous, ce temps est révolu. Je parle des corrections de textes – ce à quoi les lecteurs attentifs n’ont plus guère droit. Car ils-elles sont rarement remplacés après leur départ (à quel âge ? C’est un autre sujet !). Le témoignage de Muriel Gilbert est donc précieux. Catherine Berranger – dont c‘était aussi le métier – en parle donc avec compétence.

MCB

Joies et peines du correcteur

 J’ai lu dernièrement Au bonheur des fautes. Confessions d’une dompteuse de mots de Muriel Gilbert (Points Vuibert, 2017 – 7,20 €). Son style alerte et son humour m’ont embarquée dans un retour en arrière sur les trente ans que j’ai passé à exercer le même métier que l’autrice : lectrice-correctrice. J’ai souvent perçu dans le regard des autres un mélange d’admiration et de compassion : « Ah oui, tu dois être bonne en orthographe ! » ; « Moi aussi, j’aime beaucoup lire. » ; « Mais tu es toujours seule… » ; « Ça doit être monotone, à force ! » ; « Mais, bon, ce qui est bien, c’est que tu peux faire ça quand tu veux. » Je n’en prenais nul ombrage, mais j’essayais, chaque fois que c’était possible, d’expliquer qu’il n’en était rien de tout ça. Et Muriel Gilbert fait ça vraiment très bien.

Si l’envie vous prend d’en savoir plus sur cette activité mal connue, vous découvrirez grâce à elle que « correction » ne rime pas avec « dépression » ! Elle retrace, sur un ton plutôt enjoué, son parcours professionnel, qu’elle combine habilement avec des anecdotes plus personnelles. Ce que je trouve très malin, c’est qu’elle a émaillé le tout de petits encadrés qui donnent des tuyaux d’orthographe ou de vocabulaire. Ça fait du « 3 en 1 » super bien ficelé !

Au fil des ans, Muriel Gilbert a acquis une belle notoriété : plusieurs livres sur la langue française, un blog, des chroniques sur RTL…

rtl.fr/programmes/un-bonbon-sur-la-langue

facebook.com/blog.muriel.gilbert/?locale=fr_FR

Mais, au départ de tout ça, c’est en tant que correctrice au journal Le Monde qu’elle officie.

 À quoi (et de quoi) s’occupe le lecteur-correcteur (qui est le plus souvent une lectrice-correctrice) ?

J’aime bien la définition que donne Guillaume Goutte dans son ouvrage peu épais et néanmoins très informatif, Correcteurs et correctrices. Entre prestige et précarité (Libertalia, 2021 – 8 €) : « Il ou elle assure avant tout la cohérence de la structure d’un ouvrage, la véracité des informations qui y sont contenues, l’homogénéité de son style langagier, là où le correcteur ou la correctrice, qui intervient ensuite, veille surtout à ce qu’il ne reste aucune faute d’orthographe, de grammaire, de syntaxe, de typographie et chasse les dernières éventuelles incohérences du texte et maladresses stylistiques. »

On notera le distinguo entre « lecteur-correcteur » et « correcteur », même si, dans les faits, tout cela se confond, puisque le sport favori de la très grande majorité des maisons d’édition et des entreprises de presse est de réduire les coûts de fabrication et donc du nombre d’intervenant·e·s (au détriment de la qualité, bien sûr !).

Toujours est-il que la spécificité de l’un comme de l’autre, c’est avant tout d’appliquer les règles multiples et complexes d’orthotypographie.

 Mais qu’est-ce qui se cache derrière le terme peu connu d’« orthotypographie »?

Il s’agit de ce qui concerne, dans toute sa finesse, la présentation (la façon d’écrire) d’un texte : capitale (majuscule) ou bas de casse (minuscule) ? Trait d’union ? Italique ? Gras ? Guillemets ? Les nombres au long (en toutes lettres) ou au court (en chiffres) ? Quelle ponctuation ?

Ça relève de la prouesse que de réussir à combiner toutes ces règles – certaines très précises, d’autres plus floues –, qui rendent la lecture plus confortable, plus agréable, plus claire, plus logique. Avec, pour principe directeur, l’unification des choix graphiques de la première à la dernière page – ce qui n’est pas une mince affaire !

C’est l’application rigoureuse de tous ces éléments qui montre qu’un·e correcteur·rice a été sollicité·e, car à chacun·e sa formation et son art : aussi talentueux et chevronné que puisse être l’auteur ou l’autrice, le traducteur ou la traductrice, le ou la journaliste, le ou la responsable de publication, il ou elle n’a pas les connaissances qui lui permettraient de mener à bien un ouvrage en autarcie – d’autant qu’ils sont eux-mêmes pressurisés par les délais, les faibles rémunérations et bien souvent (pré)occupés par plusieurs travaux à effectuer dans le même temps.

 Un paradoxe parmi tant d’autres

À la retraite depuis plus de trois ans, j’observe tout ça avec plus de détachement, mais je ne peux m’empêcher de déplorer que, dans ce domaine comme dans bien d’autres, la qualité (et donc le sens qu’on peut donner à son travail) soit toujours plus malmenée au profit de la rentabilité et de la rapidité. Alors que, dans tous les milieux (y compris universitaires), les difficultés à produire des textes intelligibles sont si courantes, il est incompréhensible que ce métier soit précarisé, voire en voie de disparition du fait qu’il ne bénéficie plus des formations longues encore exigées dans les années quatre-vingt-dix.

Pour en savoir un peu plus

Heureusement, des initiatives mettent en valeur l’importance de la lisibilité ou aident les correcteurs à défendre leurs droits. Par exemple :

– le blog de Franck Antoni, passionnant pour qui s’intéresse à l’écrit sous toutes ses formes ( franckantoni.com ),

– l’incontournable site de Jean-Pierre Colignon ( jeanpierrecolignon.wordpress.com ),

– la récente mais active Association des correcteurs de langue française ( aclf.fr ),

– le site du syndicat ( cgt-correcteurs.fr ), toujours utile.

C.B.

 N.B. : vous vous demandez le rapport de la photo en bandeau avec ce sujet ? Aucun ! Si ce n’est que j’ai infligé une sacrée correction à cet insecte… qui ne s’en est d’ailleurs pas remis ! (si quelqu’un sait de quoi il s’agit, je suis preneuse de l’info)

MCB

 


4 commentaires

MARTIN Daniel · 4 mai 2023 à 14 h 13 min

J’essaierai de lire un des ouvrages cités dans cette chronique car cette question m’intéresse au plus point en tant qu’ex prof de lettres et surtout en tant que lecteur : je constate hélas que dans les journaux,notamment les quotidiens (Ouest-France par exemple..;!) les fautes ,non seulement d’orthographe lexicale et grammaticale,mais aussi les fautes de syntaxe(ruptures de construction et autres ) sont de plus en plus nombreuses et illustrent très souvent les rubriques « A travers la presse déchaînée » et « rue des petites perles » du Canard enchaîné.
Je lis aussi beaucoup  » à voix haute » donc très lentement car j’enregistre des livres pour les personnes empêchées de lire et je suis effaré du nombre de « fautes » observées dans les ouvrages imprimés et qui ne sont pas des erreurs de typographie. Où sont les typographes d’antan…?comme aurait dit François VILLON à une époque où l’orthographe n’était pas « normalisée…!!

Philippe · 5 mai 2023 à 7 h 33 min

Magnifique sujet !

    chris · 14 juillet 2023 à 12 h 49 min

    Bonjour Philippe,
    Je viens d’éditer un roman, dit « amateur », au delà du style « amateur », ma plus grande difficulté est d’éradiquer toutes les fautes restantes (car il en reste bien évidemment).
    Pourtant, je l’ai fait lire et relire par une vingtaine de personnes, en leur demandant de bien vouloir m’indiquer les coquilles. Mais « c’est un métier ». Donc efficacité limité.
    Je n’ai pas trouvé de correcteurs/trices, alors un jour je me suis dis tant pis, je l’édite quand même ou sinon ce sera trop tard.
    Pour me faire pardonner auprès des puristes, je leur ai simplement demandé de m’envoyer leurs remarques et corrections. Je n’ai eu que très peu de retours, peut-être était-il imbuvable à lire, et ils n’ont pas osé me le dire (?).
    Alors, nous ne nous connaissons pas, mais si un jour vous avez la gentillesse de me rendre un service, je vous envoie mon livre et peut-être auriez vous le dernier mot sur toutes ces horribles fautes qui se cachent à travers mon roman et que je n’arrive pas à dénicher.
    Et puis, si vous me donnez un avis sur l’ensemble, cela me ferait également avancer dans cette démarche d’écriture.
    Dans tous les cas, merci de votre attention.

    chris · 14 juillet 2023 à 12 h 53 min

    oups désolée, mon message était adressé à Martin Daniel…

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